Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/80

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de Dieu » n’est pas répréhensible, quoique contraire à tout l’esprit de l’Évangile, sont conséquents et fondés sur les mots sans raison qui se trouvent dans le vingt-deuxième verset. Ces mots changeaient complètement le sens du passage.

Ne te mets pas en colère sans raison ? Jésus exhorte à pardonner à chacun, à pardonner sans restriction ni limite ; Lui-même pardonne et interdit à Pierre de se mettre en colère contre Malchus, quand Pierre défend son maître mené au supplice, cause assez légitime, semblerait-il. Et ce même Jésus enseignerait formellement à tous les hommes de ne pas se mettre en colère sans cause et par la sanctionnerait la colère pour cause — pour une raison ? Comment ? Jésus enseigne la paix à tous les gens du peuple et, tout à coup, comme s’il voulait faire une réserve et dire que cela ne se rapporte pas à tous les cas, qu’il y en a dans lesquels on peut se mettre en colère contre son frère — il ajoute le mot sans cause ? Et les commentaires expliquent que la colère peut être opportune ?

Mais qui sera juge des cas où la colère est opportune et de ceux où elle ne l’est pas ? Je n’ai pas encore rencontré de gens fâchés qui ne croient que leur colère est opportune. Chacun considère sa colère comme légitime et utile. Cette parole détruit évidemment tout le sens du verset.

Et pourtant les mots étaient là dans le livre sacré et je ne pouvais les effacer. Il en est du mot : « sans cause » comme du mot « bon » qu’on aurait ajouté à la sentence « aime le prochain » en disant : aime le bon prochain, ou bien le prochain qui te convient.

Toute la signification du passage était changée pour