Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/15

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aux montagnes, regardait Vania et ne songeait qu’aux montagnes, toujours aux montagnes. Deux Cosaques parurent à cheval, leur fusil par-dessus l’épaule ; la fumée bleue de deux habitations tcherkesses s’élevait au delà du Térek ; le soleil levant éclairait les roseaux qui bordent le fleuve ; une arba[1] quittait la stanitsa ; des femmes paraissaient sur le bord du chemin, des femmes jeunes et belles ; des alrikes[2] couraient dans les steppes, — Olénine ne les craignait pas — il était jeune, vigoureux, bien armé, et il rêvait aux montagnes, toujours aux montagnes !


IV


La contrée du Térek, où sont disposés les bourgs des Cosaques de Grebenskoy, porte sur toute son étendue de quatre-vingts verstes le même caractère. Le Térek, qui sépare les Cosaques des montagnards tcherkesses, roule des eaux troubles et rapides, mais son courant est déjà plus calme et son lit plus large à cet endroit. Ses eaux amoncellent sans cesse un sable gris sur la rive droite, plate et couverte de roseaux, tandis qu’elles creusent la rive gauche, escarpée et couverte de chênes séculaires et de tchinaras[3]. À droite sont les habitations tcherkesses des tribus amies, mais pourtant pas entièrement pacifiques ; sur la rive gauche sont les habitations des Cosaques, situées à une demi-verste de l’eau, sur une étendue de sept à huit verstes. Jadis ces stanitsas étaient au bord même du Térek ; mais le fleuve, déviant chaque année au nord des montagnes, a miné la rive, et l’on ne voit plus maintenant des anciennes habitations que des jardins abandonnés et

  1. Chariot rustique des peuples nomades.
  2. Circassiens hostiles à la Russie.
  3. Platanes d’Orient.