Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/27

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— Quelle peur on leur ferait par un coup de fusil ! dit Loukachka en souriant, cela ferait une fameuse panique !

— Ton fusil ne portera pas si loin.

— Ha ! ha ! il portera plus loin encore. Attends seulement leur fête, j’irai prendre de la bière avec leur Ghirey-Khan », répondit Lucas, chassant avec impatience les moucherons qui l’importunaient.

Un léger bruissement dans les taillis attira l’attention des Cosaques. Un chien de chasse bigarré, agitant violemment sa queue, accourait vers le cordon. Lucas reconnut la bête de son voisin Jérochka, et le vieux chasseur lui-même parut un moment plus tard.

Diadia[1] Jérochka était un vieux Cosaque d’une taille athlétique, à l’épaisse barbe blanche ; ses épaules et sa large poitrine étaient si bien proportionnées que, en le voyant venir du fond du bois, on n’était pas frappé d’abord de sa stature gigantesque. Il était vêtu d’un caftan déguenillé et retroussé ; ses pieds étaient enveloppés de morceaux d’étoffe de laine recouverts de peau de daim et attachés par des ficelles ; sa tête était coiffée d’un petit bonnet à poil hérissé. Il portait sur une de ses épaules une kabilka, arme dont on se sert pour prendre les faisans, et un sac où étaient un épervier et un poulet pour servir d’appât. Par-dessus l’autre épaule pendait un chat sauvage qu’il venait de tuer ; il avait à la ceinture encore un sac avec des balles, de la poudre et du pain ; une crinière pour se défendre contre les moucherons, un grand poignard à étui échiqueté et barbouillé de sang, et deux faisans tués. Il s’arrêta devant le cordon.

« Holà ! Liane », cria-t-il à son chien d’une voix de stentor, qui retentit dans le bois, et à laquelle l’écho répondit au loin.

Il rejeta sur l’épaule son grand fusil à piston et souleva son bonnet.

  1. Oncle, terme familier.