Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/33

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ce qui se passait. Les Cosaques se préparaient à partir, quand Jérochka, après avoir vainement épié jusqu’à la nuit une proie imaginaire sur la tchinara, entra dans le vestibule obscur. Sa grosse voix de basse vibra comme une cloche et couvrit les autres voix.

« Enfants, dit-il, je vais avec vous : vous ferez la chasse aux Abreks, et moi aux sangliers. »


VIII


Il faisait tout à fait sombre quand le vieux Jérochka et les trois Cosaques de service, enveloppés dans leurs bourkas[1] et leurs fusils sur l’épaule, longèrent le Térek pour se rendre au « secret ». Nazarka essaya de refuser de les suivre, mais Lucas l’apostropha si violemment qu’il n’osa pas regimber. Ils firent quelques pas en silence, entrèrent dans un sentier à peine visible parmi les roseaux et s’approchèrent du Térek. Une grosse poutre noire, rejetée par l’eau, était sur le rivage, et les roseaux étaient fraîchement froissés tout autour.

« Est-ce ici ? demanda Nazarka.

— Et où donc, si ce n’est ici ? répondit Lucas. Assieds-toi là, je reviens à l’instant.

— C’est le meilleur point possible, dit Ergouchow ; on ne peut nous voir, et nous voyons tout : restons ici. »

Il se blottit derrière la poutre avec Nazarka ; Lucas et Jérochka allèrent plus loin.

« C’est près d’ici, disait Lucas, marchant légèrement et sans bruit devant le vieux homme ; je t’indiquerai où les bêtes ont passé, moi seul le sais.

— Tu es un brave ourvane, répondit le vieux à voix basse, montre-moi l’endroit. »

  1. Manteau de fourrure sans manches qui se porte le poil en dehors.