Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/38

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— Tu radotes ! répétait Ergouchow en se frottant les yeux.

— Vois plutôt ! » s’écria Lucas ; et, le saisissant par les épaules, il le fit replier sur lui-même avec une telle force qu’Ergouchow poussa un gémissement. Il suivit des yeux l’indication de Lucas, aperçut le corps et changea subitement de ton.

« Hai ! ha ! il y en aura encore, dit-il à voix basse et armant son fusil ; celui-là était l’éclaireur, les autres suivent, crois-moi ! »

Loukachka décrocha sa ceinture et jeta à terre son caftan.

« Que fais-tu, imbécile ? cria Ergouchow, tu cours à une mort certaine ! S’il est tué, il ne t’échappera pas. Donne un peu de poudre, Nasar ! cours au cordon, mais ne suis pas le rivage, on te tuerait.

— Tu crois que j’irai seul ? merci ! vas-y toi-même ! » dit Nazarka avec humeur.

Lucas s’était déshabillé et allait vers l’eau.

« Inutile, lui criait Ergouchow, vois, il ne bouge pas. Attends qu’on accoure du cordon, il va faire clair. Va donc, Nazarka ; fi donc ! quel poltron ! Ne crains rien, te dis-je.

— Lucas ! hé, Lucas ! disait Nazarka, dis donc comment tu l’as tué ? »

Lucas s’était ravisé.

« Allez tous deux au cordon, dit-il, je resterai ici. Dites aux Cosaques d’accourir ; si les autres ont passé, il faut les prendre tous.

— Il ne faut pas qu’ils nous échappent », dit Ergouchow en se levant.

Ergouchow et Nazarka se signèrent et coururent vers le cordon, évitant le rivage et se frayant un chemin à travers les épines et les ronces.

« Prends garde, Lucas ! cria encore Ergouchow, si tu remues, c’en est fait de toi !