Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/111

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— Tiens, lui criai-je, attache cela à cette corde que tu vois là-bas contre la muraille. Vite ! vite ! c’est pour soulager un pauvre homme.

Le chiffonnier attacha le paquet, qui remonta rapidement. Au même instant, on ouvrait ma porte.

C’était M. Ratin ! il me trouva à l’ouvrage.

— Hier, monsieur, me dit-il, dans l’indignation où m’avait jeté votre conduite, j’oubliai de vous donner des devoirs à faire pendant ces deux jours…

— J’en ai fait, lui dis-je tout tremblant.

M. Ratin examina les devoirs avec quelque défiance, tant le procédé lui paraissait nouveau. Puis, certain que c’était bien de l’ouvrage fait depuis ma captivité :

— Je vous loue, reprit-il, d’avoir fui de vous-même les dangers de l’oisiveté. Un jeune homme oisif ne saurait que faire des choses détestables ; car il est à la merci de toutes les pensées mauvaises qui, à l’âge où vous êtes, assiégent son esprit paresseux. Souvenez-vous des Gracques, qui ne causèrent tant de plaisir à leur mère que parce qu’ils furent de bonne heure rangés et studieux.

— Oui, monsieur, dis-je.

— Vous ne vous êtes pas donné le temps de manger ? reprit M. Ratin en apercevant mon repas resté intact.

— Non, monsieur.

— J’aime à y reconnaître l’effet du chagrin profond que vous avez dû ressentir de votre conduite d’hier.

— Oui, monsieur.

— Avez-vous fait à cet égard de sérieuses réflexions ?

— Oui, monsieur.

— Avez-vous bien reconnu comment, du fou rire, vous êtes tombé dans l’irrévérence ?