Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

y soulevaient un peu de poussière, je m’imaginais voir toute la gendarmerie lancée à ma poursuite dans toutes les directions. Cette angoisse me préoccupant de plus en plus, je pris un parti décisif : c’était de poursuivre ma route du côté de Lausanne, où mon oncle faisait un séjour. Je me remis donc en marche.




À tout âge, c’est une triste chose que l’exil ; mais, pour l’enfant, qu’il est voisin du seuil paternel ! Trois lieues à peine me séparaient de ma ville natale, et il me semblait qu’abandonné au sein du vaste univers j’eusse perdu tout appui, tout asile. Aussi suivais-je, le cœur bien gros, la rive de ce lac si riant jadis à voir de ma fenêtre. À mesure que je m’éloignais, moins dominé par la crainte, ces sentiments prenaient sur moi plus d’empire, et deux ou trois fois, m’étant assis sur le bord de la route, ma tristesse devint si forte, que je fus tenté de rebrousser chemin, et d’aller implorer le pardon de mon maître.

Il était trop tard. D’ailleurs, à force de marcher, j’allais me trouver bientôt aussi près de Lausanne que de Genève, de mon oncle que de M. Ratin. Cette circonstance ranimait puissamment mon courage ; le calme renaissait en moi ; déjà je recommençais à songer à la jeune miss, et à renouer le fil des tendres rêveries qui m’avaient charmé la veille, à la même heure. Au milieu de cette nature enchantée, son image se présentait à mon cœur plus douce encore ; elle s’y associait à la pureté des cieux, aux teintes vaporeuses des monts, à la fraîcheur de ces beaux rivages, et l’exil perdait sa tristesse.

Que de séve dans l’adolescence ! Est-ce bien moi