Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/132

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C’est au point que, l’autre jour encore, une grosse plume tournoya lentement à deux doigts de mon nez sans que l’idée seulement me vînt de souffler dessus. Et je pourrais citer cent traits pareils.

Au lieu de cela, je songe tout éveillé. Je rêve qu’elle me connaît, qu’elle me sourit, que je lui agrée ; ou bien, cherchant les voies et moyens de lui être quelque chose, je la rencontre, je voyage avec elle, je la protège, je la défends, je la sauve entre mes bras, et je m’attriste profondément de n’être point ensemble tous les deux, en un bois sombre, attaqués par d’affreux brigands que je mets en fuite, quoique blessé en la défendant.




Mais il est temps de dire ce qu’était cet objet. Je ne sais comment m’y prendre, car les mots sont bien inhabiles à peindre sous quel air nous apparut la première fille qui fit battre notre cœur ; impressions fraîches et vives, qui auraient besoin d’un langage tout jeune.

Je dirai donc seulement que tous les jours, sortant vers trois heures d’une maison voisine, elle descendait la rue et passait sous ma fenêtre.

Sa robe était bleue et si simple, que vous ne l’eussiez pas distinguée sur tant d’autres robes bleues qui passaient ; ni moi non plus, n’était que je lui trouvais une grâce toute singulière à flotter autour de cette jeune taille. Et cette jeune taille me semblait tenir son charme de l’air modeste de l’aimable fille si douce à voir ; de façon que, revenant ensuite à la robe, il me devenait impossible d’en imaginer une plus à mon gré, cent lieues à la ronde et chez les premières faiseuses.

Aussi, tant que cette robe était sur mon horizon, tout