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me semblait sourire et s’embellir alentour ; et quand elle avait disparu, il me fallait encore une robe bleue pour tous mes rêves de félicité.




Or, ce jour-là, je la vis venir à son ordinaire, et approcher jusque sous ma fenêtre, d’où mes yeux se disposaient à la suivre jusqu’au tournant de la rue, et mes pensées au delà encore, lorsque, faisant un détour, elle entra dans l’allée juste au-dessous de moi. J’en fus si troublé, que je retirai ma tête comme si elle fût entrée de plain-pied dans ma chambre. Puis j’allais réfléchir qu’elle traversait dans l’autre rue, lorsque se passèrent, dans la bibliothèque de mon oncle Tom, les choses extraordinaires qui causèrent l’émotion dont j’ai parlé. Quoi ! elle parle à mon oncle !… Et je faisais d’incroyables efforts d’ouïe pour saisir quelques mots, lorsqu’un événement imprévu vint bouleverser l’univers qui commençait à se former autour de moi.




Cet événement si grave était au fond de mince importance. L’échelle venait de rouler, et j’entendais mon oncle Tom monter les degrés en causant. Je crus même distinguer le mot hébraïque sortant de sa bouche. De tout cela il résultait clairement que mon oncle Tom avait affaire en ce moment à quelque docteur hébraïsant qui remaniait avec lui quelque vétille d’érudition. Car, pour elle, s’imaginer que sa jeune tête s’enquît de niaiseries scientifiques, ou que sa jolie main voulût feuilleter de poudreux in-folio, il n’y avait pas moyen.

Je me remis machinalement à la fenêtre, fort désappointé, et regardant sans voir, comme lorsqu’on a une