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J’étais de son avis pour le moins, et cette exclamation de mon oncle Tom me raccommoda un peu avec lui.

— Elle lit l’hébreu comme un ange !

Je n’y étais plus du tout. — Elle lit l’hébreu ! Mais, mon oncle… car cette idée m’était désagréable.

— Et j’ai eu un plaisir extrême à lui faire lire le psaume xlviii dans l’édition de Buxtorf. Je lui ai expliqué, en comparant les variantes avec l’édition de Crœsius, combien le texte de Buxtorf est préférable,

— Vous lui avez, dit cela ?… à elle ?

— Mais c’est clair, puisque je lui parlais.

— Elle était là, devant vous, et vous avez pu lui dire cela ?

— Mais oui ; d’ailleurs, ce que j’ai dit là ne peut guère se dire qu’à une juive !

— Elle est juive !




D’autres sont-ils faits comme moi ? Juive, belle et juive ! Je l’en trouvai tout de suite dix fois plus belle, et l’en aimai dix fois davantage.

Cela est peu chrétien ; j’assure pourtant qu’il en fut ainsi, et que le charme que je lui trouvais déjà s’en trouva rafraîchi, vivifié, comme si, dès lors, les mêmes choses que j’aimais en elle se fussent trouvées différentes et nouvelles.

Je sais encore qu’en ce point je raisonnais fort mal, et que le plus mince logicien eût pu me convaincre d’absurdité, à plus forte raison mon oncle Tom ; aussi je ne lui en parlai pas, car je tenais plus encore à mon erreur qu’à la logique.

Mais l’impression fut ce que j’ai dit. D’ailleurs… aime-t-on sa sœur d’amour ? Non. Sa compatriote ?