Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/163

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du ciel ! perdre cette pensée elle-même, toute peuplée de brillants espoirs, d’illusions si présentes et si vives ! …

Mourir ! c’est-à-dire voir ses membres où la vigueur abonde, que la vie réchauffe, qu’un sang vermeil colore, les voir s’affaiblir, se glacer, se dissoudre au sein d’une affreuse pâleur.

Pénétrer sous cette terre, soulever ce linceul, entrevoir ces chairs ravagées, cette poussière d’ossements… Le vieillard connaît ces images, il les écarte ; mais, au jeune homme, elles ne se présentent pas même.




Il perd celle qu’il aime, il sait qu’il ne doit plus la revoir, il rencontre son convoi ; il la sait là, sous ce bois, sous cette terre… mais c’est elle encore, point changée, toujours belle, pure, charmante de son pudique sourire, de son regard timide, de son émouvante voix.

Il perd celle qu’il aime, son cœur se serre ou s’épand en bouillants sanglots ; il cherche, il appelle celle qui lui fut ravie ; il lui parle, et, donnant à cette ombre sa propre vie, son propre amour, il la voit présente… c’est elle encore, point changée, toujours belle et pure, charmante de son pudique sourire, de son regard timide, de son émouvante voix.

Il perd celle qu’il aime ; non, il s’en sépare ; elle est en quelque lieu, et ce lieu est embelli de sa présence ; il est


Honoré par ses pas, éclairé par ses yeux.


Tout y est beauté, tendresse, lumière douce, chaste mystère…

Et pourtant, en ce lieu où elle est, la nuit, le froid,