Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

diverses : lui, parce que cet ouvrage, antérieur au temps de Raphaël, jetait de vives lumières sur la question de la découverte de la peinture à l’huile ; moi, parce qu’il me révélait, avant tout autre, la mystérieuse puissance du beau.

C’était une madone tenant dans ses bras l’enfant Jésus. L’auréole d’or entourait le chaste front de Marie ; ses cheveux tombaient sur ses épaules, et une tunique bleue à longues manches laissait voir dans l’attitude une grâce naïve et le tendre maintien d’une jeune mère. Cette peinture, dénuée de tout artifice de composition, et empreinte du fort caractère d’un siècle de foi, de jeunesse et de renaissance, me captivait par un attrait invincible. La jeune madone avait mon admiration, mon amour, ma foi ; et, quand je montais pour voir mon oncle, mon premier et mon dernier regard étaient pour elle.

Et pourtant mon oncle, tout ceci lui paraissant au moins étranger à l’étude du droit, décrocha le tableau, et le fit disparaître.




Le droit n’en alla pas mieux, je n’y trouvais aucun plaisir ; et, lorsque j’eus perdu ma juive, je cessai toute espèce de travail. Nulle ambition, nul goût à rien ; plus de crayons, plus de livres, hormis un seul qui ne quittait guère mes mains. Les semaines, les mois s’écoulaient ainsi ; et mon pauvre oncle s’en affligeait, sans néanmoins m’adresser des reproches.

Un jour que j’étais monté chez lui, j’allai m’asseoir, à mon ordinaire, auprès de sa table. Il était à ses livres, occupé à transcrire une citation. Je remarquai le tremblement de sa main, ce jour surtout où, plus mal as-