Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/176

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quand il s’agirait de juger si l’espèce de scepticisme que j’attribue à mon oncle est une chose bonne ou mauvaise en elle-même, ou par sa tendance, je serais, je m’imagine, d’accord avec ces lecteurs ; mais je me sépare d’eux dès qu’ils s’autorisent de la nature d’une doctrine, pour refuser leur affection et leur estime à l’homme qui la professe, si cet homme est bon et honnête.

Au surplus, ces lecteurs sont dignes d’excuse ; leur opinion provient d’une source respectable. En effet, le plus grand nombre des hommes, j’entends de ceux qui font honneur à l’espèce, ont été plus d’une fois à portée de reconnaître par eux-mêmes l’insuffisance des bons penchants à guider toujours vers le bien, et comment ces penchants succombent souvent, lorsqu’ils sont aux prises avec d’autres penchants moins bons. De là, à leurs yeux, l’absolue nécessité des principes et des croyances, auxiliaires puissants, et les seuls propres à assurer au bien la victoire. De là aussi leur défiance à l’égard de ceux en qui ils ne croient pas reconnaître ces garanties.

C’est justement dans cette opinion, qu’au fond je partage, que je trouve l’explication et en quelque sorte la clef du caractère de mon oncle, et des apparentes contradictions qu’offraient entre elles, au premier abord, ses opinions et sa vie. Cet homme était d’une trempe naturellement si bonne, si honnête et si bienveillante, qu’il ne s’était peut-être jamais trouvé à portée, comme les lecteurs dont je parle, de reconnaître le besoin d’aucun auxiliaire qui le portât au bien, et encore moins qui l’empêchât de faire le mal. Une décence naturelle l’avait préservé de tous désordres ; une timidité naïve et sa vie solitaire lui avaient conservé une antique sim-