Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/190

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rien, il arrosait le matin les fleurs d’un petit jardin ; à midi, il faisait régulièrement sa sieste ; et, après son dîner, il se récréait à humer la brise du soir, en compagnie de quelques serins qu’il élevait becquetant, voletant à ses côtés. Toutefois, il n’avait pas entièrement rompu avec son ancien état, et son amusement principal, c’était d’appliquer à toutes choses et à tous venants quelques sentences extraites de ses souvenirs classiques. J’avais jadis passé par ses mains, et je n’étais point insensible à l’agrément prosodique de ses apophthegmes ; aussi m’aimait-il, et il ne lui arrivait guère de me rencontrer sans m’apostropher à sa façon :

Puer, si qua fata aspera rumpas,
Tu Marcellus eris.


Et sa panse rebondie allait, venait, d’un rire long et moelleux, auquel, sans le partager, je portais envie. S’il advenait qu’une ancienne servante lui apportât du village quelque petit présent intéressé :


… Timeo Danaos, et dona ferentes.


Et la panse allait son train. Mais s’agissait-il de son épouse, alors il ne tarissait plus :


Dum comuntur, dum moliuntur, annus est…
… Varium et mutabile semper femina !
… Notumque furens quid femina possit !


Et bien d’autres. Cependant madame faisait des compotes, tout en trouvant le ton de son époux détestable, ce qui portait celui-ci à murmurer :


Melius nil cælibe vitâ.


À l’étage au-dessus, c’était un octogénaire bourru, morose, ancien magistrat de la république. L’été, assis