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compensation ; mais j’avais peu d’espoir d’y réussir. En effet, l’abord roide de cet homme, son œil fier et susceptible, sa parole brusque et l’ascendant de son caractère m’imposaient en sa présence je ne sais quelle gaucherie où s’effaçaient tous mes avantages.

Ainsi tout était obstacle ; et puis, comme il arrive toujours, chaque obstacle se transformant en un stimulant désir, à force de songer combien il m’était difficile, impossible d’obtenir la main de Henriette, j’arrivais à ne plus former qu’un pressant, qu’un unique vœu, celui d’obtenir cette main.




C’est ce qui me porta à prendre un parti chevaleresque, mais désespéré, celui de brusquer le premier pas, en faisant à ma future l’aveu passionné de mes sentiments. Il ne s’agissait, au fait, que d’épier une occasion favorable. J’épiai donc, et si longtemps, et si bien, que les occasions vinrent à m’être ôtées une à une, avant que j’eusse fait ma déclaration.

Ce fut le matin d’abord. Souvent nous montions seuls ensemble ; et j’en étais déjà venu, auprès de Henriette, à ce point de familiarité, qu’après l’avoir saluée, je lui adressais la parole pour lui demander des nouvelles de son père, ou pour énoncer mon opinion, tantôt sur l’ennui des longues pluies, tantôt sur le charme des belles journées. Dix fois au moins, enhardi par ma hardiesse même, je me mis en devoir d’éclater en aveux significatifs et tendres, lorsqu’à cet instant suprême, la rougeur me montant au visage, et l’émotion m’ôtant la parole, je remis l’affaire à un moment où je me trouverais sans rougeur et sans trouble. Pendant que je prenais ainsi mon temps, le géomètre se mit in-