Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

émotion, bien que je le prononce sans cesse… Puis, encouragé par l’air dont Lucy m’écoutait, et surtout par l’idée d’avancer, d’achever peut-être le grand travail de ma déclaration : — Puisque j’ai osé vous dire cela, madame, ajoutai-je, je dois, ce me semble, vous en dire davantage… Cette jeune personne, je la vois tous les jours, je travaille tout auprès, je l’aime !… et votre question m’a troublé comme si vous eussiez surpris un secret qui est demeuré jusqu’ici dans le fond de mon cœur… C’est assez en dire pour que vous compreniez quels sont mes sentiments, et quels vœux ils me porteraient à former, si je pouvais me persuader qu’ils fussent agréés…

En cet instant nous fûmes interrompus. C’était l’époux de Lucy. On revint aux copies ; bientôt ils me quittèrent.




Après ce qui venait de se passer, j’avais hâte de me trouver seul. Glorieux, ravi, soulagé, j’admirais que j’eusse osé dire, et si bien, et si à propos. Et que c’est facile ! pensais-je.

Ce qui m’enchantait surtout, c’est que Henriette, libre à chaque instant de protester en se retirant, n’avait quitté sa mansarde qu’après l’arrivée de l’époux de Lucy. Sur cette circonstance j’échafaudais tout un monde de bonheur. Henriette, en écoutant ma déclaration, l’avait accueillie ; Henriette l’avait accueillie, parce que son cœur était à moi. Enfin, comme vers une heure elle ne remonta pas à son ordinaire, je me persuadai aussitôt que, fille aussi soumise que tendre, elle venait de transmettre mes vœux à sa famille, qui en délibérait à cette heure !