Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/229

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d’être ouvert : c’est un défaut qui ôte aux intentions honnêtes ce trait de franchise que l’on s’attend à y trouver. Je sais aussi que vous ne possédez rien autre chose que cette somme d’argent que j’ai vue hier. Ainsi vos ressources se réduisent à des espérances, et, sous ce rapport, votre situation manque des garanties que mon devoir est d’exiger. Je comptais en conférer avec vous, mesdames ; mais, puisque tous les intéressés sont ici présents, je vais dire franchement ma pensée.

Messieurs, je n’ai jamais compté sur un gendre riche, je ne l’ai pas désiré, en sorte que la situation de monsieur Jules, telle qu’elle vient de m’être exposée, ne serait point un obstacle à ce qu’il obtînt mon consentement à cette union, si toutefois ces dames y joignaient le leur… Mais, continua-t-il en s’animant, ce à quoi je tiens, je tiens uniquement, c’est au bonheur de ma fille ! et ce bonheur, je le place dans l’affection fidèle, dans la confiance commune, dans le labeur, dans la conduite, dans une vie austère et irréprochable… et je ne le place pas ailleurs. Je sais, messieurs, ce que vaut mon enfant ! et celui qui ne lui apporterait pas tous ces biens serait indigne de l’avoir pour épouse, comme il serait l’objet de toute ma haine et de tout mon mépris.

Le géomètre s’arrêta quelques secondes, non pas attendri, mais profondément ému ; puis, poursuivant avec plus de calme : — Vous comprenez à présent, messieurs, pourquoi je ne tiens pas à la fortune… Ces biens, ces garanties que je demande, que je veux, ils sont plus malaisés à rencontrer que l’or. Monsieur Jules a un état, il est jeune, il travaillera, nous l’aiderons ; là il n’y a pas l’obstacle… Si donc il comprend bien ce qu’il fait et ce à quoi il s’engage, s’il sait l’inestima-