Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/237

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« Voilà, madame, le simple récit des derniers moments d’un homme bien obscur, étranger au monde, inconnu même à ses propres voisins, mais que je ne puis m’empêcher de ranger parmi les meilleurs d’entre les mortels. Sa longue vie m’apparaît comme le cours d’une onde ignorée, mais bienfaisante, qui rafraîchit les modestes rives qu’elle baigne, et où se mire la douce sérénité d’un ciel riant et sans nuages. Seul témoin, mais non pas seul objet, de cette bonté de tous les jours, de tous les moments, il me semble que mon cœur ne puisse suffire à en chérir, à en vénérer dignement la mémoire, et c’est le besoin de s’en associer un autre, en quelque degré du moins, qui le porte à vous entretenir de ces choses. Permettez-moi, madame, un libre aveu. Vous avez été pour beaucoup dans ma destinée ; votre vue, votre tristesse m’émurent bien vivement jadis ; vos bontés m’ont aplani, si ce n’est fait, ma carrière ; à tous ces titres, je vous chéris autant que je vous respecte. Mais ce qui me pénètre d’un sentiment plus doux et plus profond encore, c’est ce point commun par lequel se touchent, s’égalisent nos destinées, ces deux excellents hommes si chers, si nécessaires à tous deux, que nous pleurons tous deux, et dont la mémoire restera, laissez-moi l’espérer, comme un lien entre vous, madame, et celui qui a le bonheur d’être votre respectueux et reconnaissant serviteur.

« Jules. »


FIN DE LA BIBLIOTHÈQUE DE MON ONCLE.