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soins, ses bienfaits ; je lui disais un dernier adieu ; et, versant dans mes discours l’émotion croissante dont j’étais pénétré, je jouissais en idée de sentir une de ses larmes se mêler à mes sanglots.




J’avais encore recours à un autre moyen tout aussi étrange, mais qui n’allait pas mieux au but. Cet homme que je voyais tous les jours, à qui je pouvais parler à chaque instant, j’avais imaginé de lui écrire des lettres ; et la première fois que cette idée me vint, elle me sembla admirable. Enfermé dans ma chambre, j’en composais plusieurs. Je choisissais ensuite celle qui me plaisait le plus, et je la mettais dans ma poche pour la remettre moi-même aussitôt que j’en trouverais l’occasion. Mais, dès que j’avais cette lettre sur moi, j’évitais le plus possible de me trouver avec M. Prévère ; et, si je venais à le rencontrer seul, une vive rougeur me montait au visage, et mon premier soin, pendant qu’il me parlait, était de froisser et d’anéantir au fond de ma poche cette lettre où se trouvait pourtant ce que j’aurais tant aimé lui dire.

Mais ce n’était pas à l’occasion d’une lettre semblable que, ce jour-là, je m’étais noirci le bout du doigt. Voici ce que je lui avais écrit, le matin même, sur une feuille que j’étais venu relire auprès de la mare :




Monsieur Prévère,

Je vous écris, parce que je n’ose vous parler de ces choses. Plusieurs fois j’ai été à vous ; mais en vous