Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/253

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haut des airs, retombaient gracieusement avec tout l’éclat d’un gigantesque feu d’artifice. Au fait, pensai-je, ce doit être un très-beau spectacle ; j’ai fort envie d’y passer avant de me rendre au Casino. Je me hâtai donc d’achever ma toilette ; et, après avoir bouclé mon manteau et mis mes gants blancs glacés, je sortis, me dirigeant du côté du faubourg. Il n’y avait personne dans les rues, les boutiques étaient fermées ; seulement je croisai deux ou trois équipages qui portaient au Casino quelques personnes de ma connaissance.

J’arrivai bientôt au faubourg. Le mal était affreux, l’effet sublime. Quatre ou cinq toitures embrasées lançaient au ciel des tourbillons de flamme et de fumée ; et, au milieu de cette scène lugubre, une clarté de fête illuminait les quais, les ponts, et des milliers d’hommes agissant parmi le désordre et les clameurs. Les habitants des maisons menacées jetaient leurs meubles par les croisées, ou emportaient au travers de la foule leurs effets les plus précieux, jusque dans un temple voisin qu’on leur avait ouvert pour les y déposer. De longues files d’hommes, de femmes, d’enfants, communiquant avec la rivière, faisaient arriver les seaux jusqu’aux pompes, dont le bruit cadencé dominait les cris de la foule. Au milieu du feu, des hommes armés de haches abattaient des poutres enflammées ; tandis que d’autres, du haut des maisons voisines, dirigeaient au centre de l’immense brasier le jet bruyant des pompes.

— Sait-on, demandai-je à un bonhomme très-affairé, sait-on comment le feu a pris ? — Allez à la chaîne, me dit-il. — Fort bien ; mais répondez-moi, sait-on… — Votre serviteur de tout mon cœur.

Cet homme me parut d’une grossièreté singulière, et je me mis à déplorer ce mauvais ton des basses classes,