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d’eau pour rendre le passage difficile, à pied sec du moins. Aussitôt je proposai à Louise de la porter sur l’autre rive ; je l’avais fait cent fois. Elle refusa… et tandis que, surpris, je la regardais, une vive rougeur se répandit sur son visage, en même temps que mille impressions confuses me faisaient rougir moi-même. C’était comme une honte jusqu’alors inconnue qui nous portait ensemble à baisser les yeux. Je songeais à lui faire un pont de quelques grosses pierres, lorsque, ayant cru deviner à son embarras et à son geste qu’elle voulait ôter sa chaussure, je m’acheminai en avant.

J’entendis bientôt derrière moi le bruit de ses pas ; mais je ne sais quelle honte m’empêchait de me retourner, en me faisant craindre de rencontrer son regard. Comme si nous eussions été d’accord, elle éluda ce moment en venant se replacer à côté de moi, et nous continuâmes à marcher sans rien dire, et sans plus songer aux chalets, dont nous laissâmes le sentier sur la gauche, pour en prendre un qui nous ramenait vers la cure.

Cependant la nuit s’était peu à peu étendue sur la plaine, et les étoiles brillaient au firmament ; quelques bruits lointains, ou, plus près de nous, le chant monotone du coucou, se mêlaient seuls par intervalles au silence du soir. Dans les endroits où le taillis était peu épais, nous apercevions la lune scintillant parmi les feuilles et les branchages ; plus loin, nous rentrions dans une obscurité profonde, où le sentier se distinguait à peine du sombre gazon de ses bords. Louise marchait près de moi ; et, quelque frémissement s’étant fait entendre sous un buisson, elle me saisit la main comme par un mouvement involontaire. Un sentiment de courage prit aussitôt la place de l’inquiétude que je com-