Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/262

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Cependant les instants s’écoulaient dans un absolu silence. L’ombre seule m’apprenait quelque chose de celle dont la vue était encore refusée à mes yeux, impatients de la contempler. Je vis qu’elle s’était assise, la tête appuyée sur sa main ; mais un vacillement, que j’attribuai d’abord à la flamme tremblante de la lumière, me causait des illusions qui commençaient à me donner quelque inquiétude. Je regardais avec anxiété la figure qui semblait se pencher pour se relever avec effort, je croyais entendre quelques soupirs étouffés ; à la fin, ne pouvant maîtriser mon trouble, j’entrai précipitamment, et je vis la jeune fille qui, pâle et les yeux éteints, succombait sous le poids de la fatigue, du malaise et du trouble. En un clin d’œil elle fut sur mes bras, et je la transportai sur le lit que cachaient les rideaux de l’alcôve. Là, je m’empressai de la couvrir de mon manteau ; puis, cherchant parmi les ustensiles épars dans la cuisine, je trouvai bientôt du vinaigre, avec lequel j’humectai doucement son front et ses tempes.

Je ne tardai pas à être inquiet de l’état de cette jeune fille, et embarrassé de ma situation, non point qu’elle ne me parût plus charmante qu’aucune de celles où j’ai pu me trouver dans ma vie, mais parce que réellement elle pouvait compromettre et affliger justement celle qui m’était déjà si chère. À mesure que mes soins lui procuraient quelque soulagement, sa jolie main faisait quelques signes qui trahissaient les touchantes alarmes de sa pudeur. Alors je m’éloignais du lit, appelant de tous mes vœux le retour de la mère, qui seule pouvait apporter un remède efficace aux angoisses de la jeune malade. Plusieurs fois je crus entendre, vers le seuil, quelque bruit qui m’annonçait son approche ; mais,