Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/264

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— À votre garde ! Bien gardée, ma foi !!!… Indigne que vous êtes !… Est-ce qu’on s’introduit ainsi dans une maison honnête ?… Sortez !…

— Vous me paraissez, madame, emportée par de bien vils soupçons. Et au lieu de me retirer, comme c’était mon intention de le faire dès que je pourrais remettre à des mains sûres ce précieux dépôt, vos propos et votre air tendraient plutôt à me retenir dans ce lieu…

— C’est notre voisine, monsieur, dit alors la jeune fille d’une voix tremblante ; elle ignore vos bontés… Veuillez la laisser auprès de moi, et recevoir les remercîments que je vous dois…

— Je le ferai, puisque vous m’en priez… Mais puis-je encore vous être utile en cherchant à retrouver madame votre mère, ou à lui porter de vos nouvelles ?…

— On la retrouvera sans vous, reprit brutalement la voisine ; passez seulement votre chemin.

Sans répondre à cette femme, je pris congé de l’aimable enfant, en lui exprimant le vœu que je formais de la voir se rétablir promptement et l’intention où j’étais de venir m’informer d’elle auprès de sa mère. Après quoi je sortis, sans songer à mon manteau resté sur le pied du lit.

J’étais indigné contre cette voisine, et vivement blessé d’avoir été surpris dans l’unique moment où une curiosité bien naturelle m’avait porté à m’approcher du lit ; mais il me semblait, au regret avec lequel je m’éloignais de ce réduit, que j’y eusse laissé mon cœur. À mesure que je cheminais, ce passé, encore si voisin, prenait peu à peu la teinte d’un songe lointain que je tâchais de ressaisir ; et, pendant que je le disputais ainsi à l’empire des impressions nouvelles, je m’égarais dans les rues sans plus songer à ma demeure, à