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solitaire sur les points où les rafales d’un vent glacé ranimaient des feux mourants et mal éteints. Quittant ce théâtre de désolation, je me perdis dans le silence et l’obscurité des rues, et quelques instants après j’étais dans ma demeure.




CHAPITRE III.


Il était deux heures de la nuit lorsque je rentrai chez moi, le soir de l’incendie. Encore tout rempli des impressions de la soirée et de l’image de ma jeune protégée, j’étais en proie à une secrète agitation qui m’ôtait toute envie de dormir. Aussi, après avoir ranimé mon feu dont les tisons fumaient encore, je m’établis à rêver. C’était, cette fois, volontairement, par goût, sur un sujet qui me touchait au cœur, au lieu que d’ordinaire je rêvais forcément, par fainéantise et sur un rien.

Mais il est singulier comme les moindres objets qui nous entourent entrent en part dans la direction que prennent nos pensées. Tout en rêvant, j’avais devant les yeux mes instruments de toilette, que j’avais laissés épars sur ma cheminée, et dans le nombre le savon perfectionné qui répandait encore un subtil parfum de rose. Ce parfum, que je n’avais point cherché, portait insensiblement à mes organes comme des émanations aristocratiques, qui faisaient peu à peu rebrousser ma pensée jusqu’au moment où je m’étais trouvé à cette même place, m’apprêtant à aller promener ma personne dans les salles du Casino, sous les regards de femmes brillamment parées, et au milieu de l’élégance du monde fashionable.