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immobile auprès de mon feu, sans plaisir à y demeurer, et sans envie de le quitter. Une carte, fixée au coin de ma glace, m’avertissait de passer la soirée chez madame de Luze ; je la considérais avec dédain, avec dégoût ; je me révoltais contre ses avances intempestives ; et finissant par y voir madame de Luze elle-même, qui me faisait le plus flatteur accueil au profit de sa jeune cousine (c’est l’épouse que me destine mon parrain), je me surprenais à lui refuser mon salut, à lui tourner le dos, à ne l’écouter pas, et à jouir, du même coup, de la figure déconfite de mon parrain. Non ! leur disais-je à tous, non. Hier encore je pouvais trouver quelque amusement à vos prévenances ; aujourd’hui, plus. Une enfant pauvre, simple, obscure, passerait encore avant vous, si je me sentais quelque force pour aimer, le moindre désir de quitter cette place, d’où je bâille à vos avances et m’ennuie de votre accueil. Et, pour mieux le leur prouver, je jetai la carte au feu.

— Jacques !

— Monsieur a-t-il appelé ?

— Allume la lampe, et souviens-toi que je ne veux recevoir personne.

— C’est qu’il y a monsieur votre parrain qui a fait dire comme ça, qu’il viendra vous prendre pour aller chez madame de Luze.

— Eh bien, n’allume pas la lampe, car je vais sortir.

— Alors, faudra-t-il ?…

— Rien.

— C’est qu’il viendra.

— Tais-toi.

— Et alors…

— Jacques, tu es le plus insupportable domestique que je connaisse…