Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/272

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sensé. Il faut agir et terminer. Habille-toi, et partons…

— Impossible, mon cher parrain. Je veux bien ne plus réfléchir ; mais, tout au moins, pour que je me marie, il faut que j’en aie le désir…

— Ah parbleu ! es-tu décidé à ne pas te marier ? Alors, dis-le ; voyons, parle…

En disant ces mots mon parrain avait pris un ton significatif, et semblait me présenter son héritage à prendre ou à laisser. C’est cette terrible alternative que je voulais éluder, sans trop savoir comment y parvenir. Heureusement je vins à songer à mes idées extravagantes de la veille ; et les prenant pour prétexte : — Et si, lui dis-je avec un demi-sourire, si mon cœur s’était déjà porté d’un autre côté ?…

— Prétexte ! dit-il. J’aime mieux que tu dises franchement : Je ne veux pas me marier. Alors je saurai à quoi m’en tenir.

— Et si vous vous trompiez, cher parrain, et que je fusse réellement amoureux, me conseilleriez-vous d’épouser votre demoiselle quand j’aurais donné mon cœur à une autre ?

— C’est selon ; Qui aimes-tu ?

— J’aime une jeune personne charmante.

— Est-elle riche ?

— Il n’y a pas d’apparence.

— Son nom ?

— Je l’ignore.

— Voilà qui est fort ! Que diable est-ce que tout cela signifie ?

— Cela signifie que, tout obscure et pauvre que soit cette jeune fille, elle m’est cependant assez chère pour que, si je songeais à me marier à présent, ce qui n’est point, je fusse plus porté pour elle que pour toute autre.