Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/276

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pour que je m’imaginasse que vous êtes de mon parti ; non point que je le croie celui de la prudence, ni même de la sagesse, mais bien, je l’avoue, celui de l’imprudente honnêteté, celui de la générosité inconsidérée, celui que l’on ne prend pas quand les années ont apporté plus de calcul dans l’esprit et moins de sève dans le cœur. Jeune ami, ou amie, si je me trompe, laissez-moi mon erreur, elle m’est chère ; si j’ai deviné juste, que je ne vous ôte pas la vôtre ! Assez tôt vous deviendrez prudent, assez tôt vous apprendrez la sagesse ; assez tôt vos passions attiédies, cessant de prêter leur feu à vos sentiments honnêtes, laisseront le champ libre aux graves leçons de la raison, des intérêts et des préjugés.

Que si vous êtes vieux, assez malheureux pour n’être plus que sage, mais riche encore des débris d’un cœur qui fut chaud et généreux, je suis sûr qu’en me taxant à regret d’imprudence vous me tendez néanmoins votre main défaillante ; votre sourire m’accueille ; en dépit de votre sagesse, votre air m’approuve, et votre estime me récompense. Bon vieillard, je vous connais, je sais que vous lirez ce récit… blâmez sans crainte, je lis dans vos traits vénérables plus de regrets que de reproches, plus d’appui que de blâme.

Mais, si aux glaces de l’âge vous avez laissé s’unir l’égoïsme de caractère ou de condition, celui de l’avarice ou des préjugés ; si de tout temps vous sûtes calculer le présent pour l’avenir ; si vous sûtes toujours préférer la sûreté du bien-être aux hasards de l’imprudence généreuse ; si jamais la chaleur des passions ne sut rompre l’enveloppe de votre vanité… homme sage ! alors vous êtes pour mon parrain, alors vous blâmerez celui qui renonce à un héritage ; vous le blâmerez plus