Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/292

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conduit à leur rencontre. De là, ces meubles élégants que j’avais remarqués, avec d’autres indices d’une condition jadis plus aisée.

Toutes ces choses me ravissaient. Mais pensez-vous, lui disais-je, que ces dames ainsi prévenues contre moi voudront accueillir ma demande ?… Pensez-vous que je saurai me faire aimer de cette jeune fille, pour qui les avantages de fortune que je puis lui offrir ne sont rien sans doute, et dont le cœur, rendu timide et craintif par la pudeur même, n’osera se livrer aux atteintes de l’amour ?… Je sens que je n’ai de ressource et d’espoir qu’en vous, leur digne protecteur, celui qui peut seul, par le respect qu’il inspire, détruire les préventions de ces deux dames, et leur faire agréer des vœux dont peut-être elles se défient.

— C’est à quoi, me dit-il, je m’emploierai, mon jeune ami. Du reste, redoutez peu leurs préventions, et davantage leur fierté. Aux premières clameurs de cette voisine emportée, mon soin le plus pressé a été de soustraire mes deux amies à son influence, tout en les dérobant à vos atteintes, si réellement je trouvais, après vous avoir vu, les propos de cette femme fondés. De cette manière, leurs préventions n’ont pu s’accroître, et mon témoignage, dont elles attendent tout, suffira à les rassurer pleinement. Mais elles ont l’orgueil de l’honnêteté pauvre : votre fortune, votre rang supérieur au leur, peuvent effaroucher leur fierté ; et les idées de la mère, que j’ai moi-même encouragées, ont toujours été de chercher le bonheur de sa fille dans une condition obscure, la seule dont leur position leur laissât la chance, mais dont une éducation trop cultivée leur fermait peut-être le chemin. Car vous ne sauriez croire, ajouta-t-il pendant que mon cœur dévorait ses