Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/298

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Bientôt j’aperçus la maison, située au penchant d’un coteau. On y arrivait par une côte rapide, ombragée de vieux noyers. Le cœur me battait avec force, et mes yeux cherchaient avec anxiété à reconnaître quelque mouvement alentour. Mais un silence tranquille planait sur cette retraite, et deux volets ouverts au rez-de-chaussée indiquaient seuls qu’elle fût habitée. Cependant la côte tirait à sa fin ; déjà les haies, plus rapprochées, m’ôtaient la vue des bâtiments ; j’apercevais un portail, et les aboiements d’un chien se confondirent tout à coup avec le retentissement des roues, qui atteignaient le pavé de la cour. Le char s’arrêta, et tout rentra dans le silence.

Je venais de descendre lorsque parut M. Latour. Une dame d’environ cinquante ans s’appuyait sur son bras. Elle était mise avec goût et simplicité ; et, malgré l’émotion qui troublait la sereine noblesse de son visage, son regard pénétrant et sensible, fixé sur ma personne, augmentait ma timidité en même temps qu’il gagnait mon cœur. Dans ces premiers instants, je ne sus rien lui dire, elle-même gardait le silence ; mais le bon pasteur s’adressant à moi : Mon ami, me dit-il, j’ai présenté vos vœux à madame, qui a bien voulu en paraître touchée. C’est, je pense, tout ce que je pouvais faire ; le reste vous appartient, ou plutôt appartient à votre mérite, qui se fera mieux connaître par lui-même que par ma bouche. — C’est, dit alors la dame d’une voix émue, c’est d’une manière étrange, monsieur, que nous venons à nous connaître… néanmoins les paroles de M. Latour sont toutes-puissantes pour vous gagner mon estime, et je n’ai pas à repousser une demande qu’il appuie… Ma fille ne sait rien encore, mais je n’ai plus rien à lui taire… et, une fois