Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/311

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sieur ! iune fourbe ! criait-il au guide de derrière sa porte. Je connaissé voter estratadgem ! je connaissé !… je déclaré encore iune fois que je ne parté pas s’il y avé iune sieule iunique niuage dans tute la circumférence de la firmamente !… Allé-vos-en ! tute suite ! tute !…

Le guide se retira en grommelant, mais sans trop comprendre le motif d’un si brusque accueil. Du reste, ses prédictions météorologiques ne tardèrent pas à se réaliser. Dès huit heures, le soleil perça le dais de nuages qui avait jusque-là plané sur la vallée, et, bientôt, ayant dissipé les vapeurs devenues plus légères, on le vit briller dans un ciel parfaitement pur. Alors seulement milord et sa fille, se décidant à partir, montèrent sur leurs mulets, qui, sellés et bridés, attendaient depuis plus de deux heures devant l’auberge, en compagnie du guide. Un troisième mulet portait leur valise à Sixt par une route moins longue et plus facile. Environ vingt minutes après leur départ, ayant chargé sur mon dos mon petit havre-sac, je partis à pied sur leurs traces.

Cette montagne que nous gravissions est pittoresque, intéressante. Jusqu’à mi-hauteur, ce sont des croupes magnifiquement boisées : d’abord des noyers, puis les hêtres mêlés aux sapins, bientôt les premiers bouleaux, dont le tremblant feuillage couronne des troncs sveltes et argentés ; enfin, les rochers des Fiz. Ce sont des roches qui s’élancent vers la nue, plus élevées, plus menaçantes à mesure qu’on s’en approche, et formant une vaste chaîne qui court du côté de Sallenche, où elles se terminent par la majestueuse aiguille de Warens. Ces roches sont vermoulues, minées par les eaux ; elles ont formé, par des éboulements successifs, dont le plus récent eut lieu dans le siècle passé, ces croupes aujourd’hui boisées, parsemées de riants pâturages, mais qui