Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/317

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— Je voulé ritorner, ritorner absoliument ! s’écria la jeune mise très-effrayée.

— Impossible, mamselle. Mais c’est sûr qu’il vaudrait mieux pour nous que nous fussions à cette heure de l’autre côté.

— Arrêtez la miulette, guide, arrêtez ! dit milord. Le guide, tout préoccupé, ne tint compte de cette injonction. Arrêtez ! répéta la jeune miss. Arrêtez ! répéta milord, tute suite ! tute !

Le guide, sans s’arrêter et sans répondre, regardait attentivement le ciel en arrière de nous. C’est mauvais, dit-il. Puis, arrêtant brusquement les mulets : — Monsieur, mamselle, il faut descendre.

— Descender ! s’écrièrent-ils tous les deux à la fois.

— Et vite ! Retourner, c’est impossible. Voici la tourmente qui nous prend à dos : le vent nous l’amène grand train. Nous n’avons qu’une chance, c’est qu’elle ne nous attrape pas. Le col est loin encore ; si nous y voulons passer, nous sommes péris avant d’y arriver. Il faut grimper cette rampe à gauche, elle abrége ; au delà nous sommes en dehors du vent. À bas ! les mulets trouveront leur route. À bas donc !

Le sang-froid de cet homme imposa à milord, en même temps que ses paroles lui causaient une grande inquiétude. Il descendit sans mot dire ; alors je m’approchai. La jeune miss était toute tremblante. Sans demander la permission, je l’aidai à descendre de sa monture, tout en lui adressant quelques paroles rassurantes. Quand son père vit ses pieds délicats s’enfoncer profondément dans la neige, un mouvement d’effroi se peignit sur son visage. — Guide, dis-je aussitôt à l’homme qui accrochait en toute hâte les étriers à la selle des mulets, c’est à vous de nous tirer d’ici. On m’a parlé de