Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/326

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se mit à les lui ajuster lui-même, et bientôt nous quittâmes le chalet après avoir éteint le feu avec de la neige.

La soirée était belle ; mais quel attrayant éclat lui donnaient à nos yeux les heures qui venaient de s’écouler ! Combien la douce splendeur du soir était en accord avec cette sérénité qui succédait dans nos âmes à tant de sinistres agitations ! Nous marchions ensemble, heureux de ne plus craindre, et néanmoins unis encore par le récent souvenir d’un danger commun et d’un commun dévouement. La jeune miss s’appuyait sur mon bras ; son père l’avait voulu, lorsque par discrétion elle s’y refusait : dans ses idées, c’était un égard qui m’était dû ; dans les miennes, c’était un procédé auquel j’attachais autant de prix que j’y trouvais de secret plaisir. Au bout de trois quarts d’heure, nous fûmes hors des neiges. — Maintenant, s’écria milord avec transport, j’été heureuse, bien beaucoup heureuse ! et je rendé grâces à Dieu ! Puis s’adressant à moi : — Vos été mon ami, mosieur ! Je n’avé pas d’auter chose que je pouvé dire à vos ! Vos, la guide, demandez à moi, et vos obtenez tute de mon gratitude et de mon affection. Vos été iune excellente, iune digne homme. J’avé mal judgé vos hier, et j’en avé iune grande remords !… Fiumez le pipe, mon ami, pour oblidger moi ! — Qu’à cela ne tienne ! répondit Félisaz. Et aussitôt il se mit à l’œuvre.

Le reste de la descente fut facile ; nous arrivâmes à Sixt avant la nuit. Là, l’Anglais et la jeune miss retrouvèrent leur valise, et purent enfin changer de vêtements. Ils exigèrent que je soupasse avec eux, écoutant en ceci le mouvement de leur cœur bien plus que l’extrême fatigue qui devait leur faire un si grand besoin