Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tîmes. En ce moment arrivaient les trois géologues… dans quel état, bon Dieu ! ruisselants par les coudes, par les poches, par le nez, par les cinq doigts ; des hannetons flottants dans le cataclysme d’une ornière, des noyés du déluge nageant vers l’arche !… et néanmoins attentifs encore aux cailloux, regardant du coin de l’œil aux stratifications. Ils entrèrent dans la cabane.

Nous fûmes bientôt engagés dans la montée du Col de Balme. — Ces marchands, disait le Français, sont des voleurs, avec leur imperméable ; toute l’eau du ciel est dans mon chapeau !… À propos, sont-elles jolies vos dames ? Un nouveau coup de tonnerre, suivi de roulements effroyables, me dispensa de répondre ; d’ailleurs on avait une peine infinie à s’entendre. Le sentier était devenu le lit d’un ruisseau furieux ; de toutes parts l’eau tombait en cascades, et, à mesure que nous nous élevions, le froid devenait de plus en plus vif. Au-dessus du bois Magnin, la pluie était glacée et mêlée de grésil. Une heure après, nous nous trouvâmes au milieu de la neige. Alors le silence succéda tout à coup au fracas des eaux et au sifflement du vent dans la forêt.

On ne distinguait plus le sentier, et personne ne répondait aux cris que nous poussions de temps en temps ; aussi nous désespérions déjà du succès de notre tentative, lorsque nous aperçûmes au-dessus de nous une mule qui descendait le Col. Elle était seule, toute sellée ; la bride traînait à terre. Pour ne pas l’épouvanter, nous nous cachâmes derrière la saillie d’un rocher, et, lorsqu’elle passa près de nous, mon compagnon lui barra le chemin, pendant que je sautais sur la bride. J’y reconnus celle que j’avais tenue le matin ; c’était la mule d’Émilie ! Alors nous commençâmes à présager les plus sinistres choses. Sans perdre de temps, le Fran-