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où mon cousin prend place dans l’omnibus de huit heures, il se trouve que, sur la prière d’un jeune étranger, le conducteur vient de consentir à retarder le départ de quelques minutes, pour donner à la dame qu’attend cet étranger le temps d’arriver. Ceci attriste mon cousin, qui entrevoit dès lors un grand trouble apporté dans toute l’économie de sa journée. Le quart sonne ; ceci aigrit mon cousin, qui songe que cette dame va être la cause d’une série continue d’irrégularités, ricochant les unes sur les autres, et aboutissant à déplacer l’heure de son dîner, l’heure de son café, l’heure de sa sieste… Aux vingt-cinq minutes, il n’y tient plus, et se prend à grommeler. Au diable la demoiselle ! Aussitôt le jeune étranger lui donne son adresse, lui demande la sienne, et tout se trouve arrangé pour le lendemain à huit heures, à huit heures précises, ajoute l’étranger. Ce jour-là, mon cousin se fit attendre. Il apportait des excuses, on n’en voulut pas. Alors, honnêtes témoins et bons parents, nous fîmes le reste, et l’honneur fut satisfait.

Je reviens à la visite que je fis à ma tante Sara, l’automne dernier. Introduit dans le jardinet, je la trouvai établie dans le pavillon chinois, et faisant une lecture à quelques bonnes dames du voisinage. Il fallait que le sujet en fût touchant, car je trouvai toute cette société dans l’attendrissement, hormis pourtant mon cousin Ernest, qui, toujours unique et posthume, fumait un cigare, nonchalamment assis sur un banc rustique, à l’ombre d’un acacia pommelé. Après avoir salué tout ce monde et embrassé ma tante, je priai ces dames de ne pas interrompre leur lecture à cause de moi, et j’allai m’asseoir et fumer aussi sur le banc rustique à l’ombre de l’acacia pommelé. Ma tante lisait exactement