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— Non, repris-je, lisez, grand-père ; » car il y avait dans l’impression que j’avais reçue quelque chose qui me rendait craintif.

« C’est la porte du cimetière, me dit-il, l’endroit où l’on porte les morts. Cette inscription est un passage de la Bible :


HEUREUX CEUX QUI MEURENT AU SEIGNEUR ; ILS SE REPOSENT DE LEURS TRAVAUX, ET LEURS ŒUVRES LES SUIVENT.


« Cela veut dire, mon enfant….. — Mais où est-ce qu’on les porte ? dis-je en l’interrompant. — On les porte dans la terre. — Pourquoi, grand-père ? Leur fait-on du mal ? — Non, mon enfant, les morts ne sentent plus rien dans ce monde-ci. »

Nous dépassâmes le portail, et je ne fis plus de questions. De temps en temps je retournais la tête du côté de la pierre blanche, rattachant à cet objet toutes sortes d’idées sinistres sur les morts, sur les sépulcres, et sur les hommes en manteau noir que j’avais souvent rencontrés dans les rues portant des bières couvertes d’un linceul.

Mais le soleil brillait, et je tenais la main de mon aïeul ; ces impressions s’affaiblirent devant d’autres, et quand nous eûmes atteint les bords du Rhône, la vue de l’eau, et surtout celle d’un homme qui pêchait, attirèrent toute mon attention.

Les eaux étant basses, cet homme, chaussé de grandes bottes en cuir, s’était avancé au milieu du courant. — Voyez, grand-père, il est dans l’eau ! — C’est un homme qui prend du poisson ; attendons un moment, tu le verras bouger dès qu’il sentira quelque chose au bout du fil.

Nous restâmes ainsi à le regarder : mais l’homme ne