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ou ministre, pensez-vous que celui de la petite chambre n’aura pas une manière autre que celui du seuil ?

Et ce qu’on voit passer de son logis, et les gens qui circulent autour, et les bruits qui s’y entendent, et les objets tristes ou riants qui s’y rencontrent, et le voisinage, et les cas fortuits ? Oh ! que l’éducation est une chose difficile ! Tandis qu’à lumineuse intention, sur le conseil d’un ami ou d’un livre, vous dirigez l’esprit et le cœur de votre fils vers le côté qui vous agrée, les choses, les bruits, les voisins, les cas fortuits conspirent contre vous, ou vous secondent sans que vous puissiez détruire ces influences ni vous passer de leur concours.

Plus tard, il est vrai, après vingt, vingt-cinq ans, le logement fait peu. Il est triste ou gai, confortable ou délabré ; mais c’est une école où les enseignements ont cessé. À cet âge, l’homme fournit sa carrière ; il a atteint ce nuage d’avenir qui, tout à l’heure encore, lui paraissait si lointain ; son âme n’est plus rêveuse et docile : les objets s’y mirent, mais ils n’y laissent plus d’empreinte.




Pour moi, j’habitais un quartier solitaire[1]. C’est derrière le temple de Saint-Pierre, près de la prison de l’évêché. Par-dessus le feuillage d’un acacia, je voyais les ogives du temple, le bas de la grosse tour, un soupirail de la prison, et, au delà, par une trouée, le lac et ses rives. Quels beaux enseignements, si j’avais su

  1. Ce quartier est celui qui avoisine l’église cathédrale de Genève. La maison dont il est ici question est connue sous le nom de maison de la Bourse française, parce qu’elle appartient à un établissement de bienfaisance destiné à secourir les Génevois protestants d’origine française.