Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/79

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pas. Quand je voulais approfondir ma faute, je n’y voyais de grave que le mensonge, réparé pourtant par un aveu que je me plaisais à trouver spontané. Toutefois, pour la bonne règle, je tâchais de me repentir ; et, voyant la peine que j’avais à y parvenir, je commençais à craindre que mon cœur ne fût effectivement déjà bien mauvais, immoral, comme disait M. Ratin, en sorte que je formais avec contrition le projet de renoncer désormais au fou rire.




J’en étais là, quand vint à passer dans la rue le marchand de petits gâteaux. C’était son heure. L’idée de manger des petits gâteaux se présenta naturellement à mon esprit ; mais je me fis un scrupule de céder à cette tentation de la chair, dans un moment où c’était sur l’âme qu’il m’était enjoint de travailler, de façon que, laissant le marchand attendre et crier, je restais assis au fond de ma chambre.

Mais ceux qui ont observé les marchands de petits gâteaux savent combien ils sont tenaces envers la pratique. Celui-ci, bien qu’il ne me vît point paraître encore, ne tirait de cette circonstance aucune induction fâcheuse pour son affaire, mais, bien au contraire, continuait à crier avec la plus robuste foi en ma gourmandise. Seulement il ajoutait au mot de gâteaux l’épithète pressante de tout chauds, et il est bien vrai que cette épithète faisait des ravages dans ma moralité. Heureusement je m’en aperçus, et j’y mis bon ordre.




Je crus devoir cependant ne pas laisser dans son erreur cet honnête industriel, à qui je faisais perdre