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On voit que j’étais amoureux. C’était depuis huit jours, et depuis six je n’avais pas revu l’objet aimé.

Comme font les amants malheureux, les premiers jours, je m’étais bercé d’espoir. J’avais ensuite cherché des distractions qui, comme on l’a vu, m’avaient fort mal réussi. Était venue ensuite ma captivité, et, dès les premiers loisirs de cette vie oisive, je n’avais eu garde d’oublier mes amours. Mais, ce soir-là, ma passion, fortement attisée par la romanesque lecture que je venais de faire, finit par se lasser des apostrophes et par me porter vers des voies désespérées.

Que l’on sache seulement qu’en pénétrant dans la chambre qui était au-dessus de la mienne je pouvais y voir ma bien-aimée !… Elle s’y trouvait seule à cette heure… La lucarne m’ouvrait un chemin pour y pénétrer par les toits.




La tentation était donc irrésistible, d’autant plus que je me trouvais déjà sur le toit depuis un petit moment. Je m’y assis pour prendre du courage et me familiariser avec mon projet ; car ce commencement d’exécution me causait une émotion si grande, que j’étais sur le point de rebrousser. Pour le moment, je n’eus rien de plus pressé que de m’effacer entièrement en me couchant sur le toit… Je venais d’apercevoir M. Ratin dans la rue !




Un peu revenu de ce coup de foudre, je me hasardai à soulever la tête, de manière à voir par-dessus la saillie du toit… Plus de M. Ratin ! il m’était évident qu’il montait l’escalier, et qu’avant une minute il me sur-