Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/148

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soins pénibles et une résidence gênante. Le maître s’assure une jouissance plus libre, plus facile et plus sûre en intéressant les esclaves à la culture, et en leur abandonnant à chacun une certaine étendue de terrain, à condition de lui rendre une portion des fruits. Les uns ont fait ce marché pour un temps, et n’ont laissé à leurs serfs qu’une possession précaire et révocable ; d’autres ont abandonné le fonds à perpétuité, en se réservant une rente annuelle, payable en denrées ou en argent, et exigeant des possesseurs certains devoirs. Ceux qui recevaient ces terres sous la condition prescrite devenaient propriétaires et libres, sous le nom de tenanciers ou de vassaux, et les anciens propriétaires, sous le nom de seigneurs, conservaient seulement le droit d’exiger le payement de la rente et les autres devoirs convenus : c’est ainsi que les choses se sont passées dans la plus grande partie de l’Europe.

§ XXVII. — Quatrième manière : colonage partiaire.

Ces fonds devenus libres à la charge de la rente, peuvent encore changer de propriétaires, se diviser et se réunir par la voie des successions et des ventes ; et tel vassal peut à son tour avoir plus de terre qu’il ne peut en cultiver lui-même. Le plus souvent la rente à laquelle les fonds sont assujettis n’est pas assez forte pour qu’en cultivant bien l’on ne puisse encore se procurer, au delà des avances des frais et de la subsistance du cultivateur, une surabondance de productions qui forme un revenu : dès lors le vassal propriétaire doit aussi désirer de jouir sans peine de ce revenu, et de faire cultiver son fonds par d’autres. D’un autre côté, le plus grand nombre des seigneurs n’aliènent que les parties de leurs possessions les moins à leur portée, et gardent celles qu’ils peuvent faire cultiver à moins de frais. La culture par esclaves n’étant plus praticable, le premier moyen qui s’offrit, et le plus simple pour engager les hommes libres à cultiver des fonds qui ne leur appartenaient pas, fut de leur abandonner une portion des fruits, ce qui les engageait à mieux cultiver que ne le feraient des ouvriers auxquels on donnerait un salaire fixe. Le partage le plus commun a été de faire deux parts égales, dont l’une appartenait au colon, et l’autre au propriétaire ; c’est ce qui a donné lieu au nom de métayer [medietarius), ou colon à moitié fruits. Selon les arrangements de ce genre qui ont lieu dans la plus grande partie de la France, le propriétaire fait toutes les