Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/149

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avances de la culture, c’est-à-dire qu’il fournit à ses dépens les bestiaux de labour, les charrues et autres outils aratoires, la semence et la nourriture du colon et de sa famille, depuis l’instant où celui-ci entre dans la métairie jusqu’à la première récolte.

§ XXVIII. — Cinquième manière : fermage ou louage des terres.

Des cultivateurs intelligents et riches, qui savaient à quel point une culture active et bien dirigée, pour laquelle on n’épargnerait ni travaux ni dépenses, pourrait porter la fécondité des terres, jugèrent avec raison qu’ils gagneraient davantage si le propriétaire consentait à leur abandonner pendant un certain nombre d’années la totalité des récoltes, à la charge de lui payer chaque année un revenu constant, et de faire toutes les avances de la culture. Par là ils s’assuraient que l’accroissement de productions que feraient naître leurs dépenses et leur travail leur appartiendrait en entier. Le propriétaire, de son côté, y gagnait une jouissance plus tranquille de son revenu, puisqu’il était débarrassé du soin de faire des avances et de compter des produits ; plus égale, puisqu’il recevait chaque année le même prix de sa ferme ; et plus certaine, parce qu’il ne courait jamais le risque de perdre ses avances, et que les bestiaux et autres effets dont les fermiers avaient meublé sa ferme devenaient un gage qui l’assurait du payement. D’ailleurs, le bail n’étant que pour un petit nombre d’années, si son fermier avait donné de ses terres un prix trop bas, il pouvait l’augmenter à la fin du bail.

§ XXIX. — Cette dernière méthode est la plus avantageuse de toutes, mais elle suppose un pays déjà riche.

Cette méthode d’affermer les terres est de toutes la plus avantageuse aux propriétaires et aux cultivateurs ; elle s’établit partout où il y a des cultivateurs riches en état de faire les avances de la culture ; et comme des cultivateurs riches peuvent donner bien plus de labours et d’engrais à la terre, il en résulte une prodigieuse augmentation dans les productions et dans le revenu des biens-fonds.

Dans la Picardie, la Normandie, les environs de Paris, et dans la plupart des provinces du nord de la France, les terres sont cultivées par des fermiers. Dans les provinces du midi, elles le sont par des métayers ; aussi les provinces du nord de la France sont-elles incomparablement plus riches et mieux cultivées que celles du midi.