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§ XXX. — Récapitulation des différentes manières de faire valoir les terres.

Je viens de compter cinq manières différentes dont les propriétaires ont pu, en s’exemptant du travail de la culture, faire valoir leurs fonds par les mains d’autrui ; — la première, par des ouvriers payés à salaire fixe ; — la seconde, par des esclaves ; — la troisième, en abandonnant le fonds moyennant une rente ; — la quatrième, en abandonnant au cultivateur une portion déterminée et le plus communément la moitié des fruits, le propriétaire se chargeant de faire les avances de la culture ; — la cinquième, en louant la terre à des fermiers qui se chargent de faire toutes les avances de la culture, et qui s’engagent à donner au propriétaire, pendant le nombre d’années convenu, un revenu toujours égal.

De ces cinq manières, la première, trop dispendieuse, est très-rarement mise en usage ; la seconde ne peut avoir lieu que dans des pays encore ignorants et barbares ; la troisième est moins une manière de faire valoir sa propriété qu’un abandon de la propriété pour une créance sur le fonds. L’ancien propriétaire n’est plus, à proprement parler, qu’un créancier du nouveau.

Les deux dernières méthodes de culture sont le plus généralement en usage, savoir : la culture des métayers dans les pays pauvres, et la culture des fermiers dans les pays les plus riches.

§ XXXI. — Des capitaux en général, et du revenu de l’argent[1].

Il y a un autre moyen d’être riche sans travailler et sans posséder des terres, dont je n’ai pas encore parlé. Il est nécessaire d’en expliquer l’origine et la liaison avec le reste du système de la distribution des richesses dans la société, dont je viens de crayonner l’ébauche. Ce moyen consiste à vivre de son capital, ou plutôt de l’intérêt qu’on en tire en le prêtant. — C’est une chose à laquelle l’usage de l’or et de l’argent aide beaucoup, en facilitant les petites économies.

§ XXXII. — De l’usage de l’or et de l’argent dans le commerce.

L’argent et l’or sont deux marchandises comme les autres, et moins précieuses que beaucoup d’autres, puisqu’elles ne sont d’au-

  1. Cette portion du Mémoire de Turgot est bien supérieure à la première. Turgot est l’un des hommes de son temps qui ont le mieux compris les fonctions de la monnaie. Il y aurait peu de chose à ajouter à sa théorie pour la rendre aussi complète que la science le comporte aujourd’hui. (Hte D.)