Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/158

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lieux aux moindres frais. Tout homme qui a une denrée superflue, et qui n’a pas dans le moment besoin d’une autre denrée d’usage, s’empressera donc de l’échanger contre de l’argent, avec lequel il est plus sûr qu’avec toute autre chose de se procurer la denrée qu’il voudra au moment du besoin.

§ XLV. — L’or et l’argent sont constitués, par la nature des choses, monnaie et monnaie universelle, indépendamment de toute convention et de toute loi.

Voilà donc l’or et l’argent constitués monnaie et monnaie universelle, et cela sans aucune convention arbitraire des hommes, sans l’intervention d’aucune loi, mais par la nature des choses. Ils ne sont point, comme bien des gens l’ont imaginé, des signes de valeurs ; ils ont eux-mêmes une valeur. S’ils sont susceptibles d’être la mesure et le gage des autres valeurs, cette propriété leur est commune avec tous les autres objets qui ont une valeur dans le commerce.

Ils n’en diffèrent que parce qu’étant à la fois plus divisibles, plus inaltérables et plus faciles à transporter que les autres marchandises, il est plus commode de les employer à mesurer et à représenter les valeurs.

§ XLVI. — Les autres métaux ne sont employés à ces usages que subsidiairement.

Tous les métaux seraient susceptibles d’être employés comme monnaie.

Mais ceux qui sont fort communs ont trop peu de valeur sous un trop grand volume pour être employés dans les échanges courants du commerce. Le cuivre, l’argent et l’or sont les seuls dont on ait fait un usage habituel.

Et même à l’exception de quelques peuples auxquels ni les mines, ni le commerce n’avaient point encore pu fournir une quantité suffisante d’or et d’argent, le cuivre n’a jamais servi que dans les échanges des plus petites valeurs.

§ XLVII — L’usage de l’or et de l’argent comme monnaie en a augmenté la valeur comme matière.

Il est impossible que l’empressement avec lequel chacun a cherché à échanger ses denrées superflues contre l’or ou l’argent, plutôt que contre aucune autre marchandise, n’ait pas beaucoup augmenté la valeur de ces deux métaux dans le commerce. Ils n’en sont devenus que plus commodes pour l’emploi de gage et de commune mesure.