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§ XLVIII. — Variations dans la valeur de l’or et de l’argent comparés avec les autres objets du commerce, et entre eux.

Cette valeur est susceptible de changement et change en effet continuellement, en sorte que la même quantité de métal qui répondait à une certaine quantité de telle ou telle denrée cesse d’y répondre, et qu’il faut plus ou moins d’argent pour représenter la même denrée. Lorsqu’il en faut plus, on dit que la denrée est plus chère, et lorsqu’il en faut moins, on dit qu’elle est à meilleur marché ; mais on pourrait dire tout aussi bien que c’est l’argent qui est à meilleur marché dans le premier cas, et plus cher dans le second.

Non-seulement l’argent et l’or varient de prix, comparés avec toutes les denrées, mais ils varient de prix entre eux à raison de ce qu’ils sont plus ou moins abondants. Il est notoire qu’on donne aujourd’hui, en Europe, de quatorze à quinze onces d’argent pour une once d’or, et que dans des temps plus anciens on ne donnait que dix à onze onces d’argent pour une once d’or.

Encore aujourd’hui, à la Chine, on ne donne guère qu’environ douze onces d’argent pour avoir une once d’or, en sorte qu’il y a un très-grand avantage à porter de l’argent à la Chine pour l’échanger contre de l’or que l’on rapporte en Europe. Il est visible qu’à la longue ce commerce doit rendre l’or plus commun en Europe et plus rare à la Chine, et que la valeur de ces deux métaux doit enfin se ramener partout à la même proportion.

Mille causes différentes concourent à fixer dans chaque moment et à faire varier sans cesse la valeur des denrées comparées, soit les unes avec les autres, soit avec l’argent. Les mêmes causes fixent et font varier la valeur de l’argent, comparé soit à la valeur de chaque denrée en particulier, soit à la totalité des autres valeurs qui sont actuellement dans le commerce. Il ne serait pas possible de démêler ces différentes causes et de développer leurs effets sans se livrer à des détails très-étendus et très-difficiles, et je m’abstiendrai d’entrer dans cette discussion.

§ XLIX. — L’usage des payements en argent a donné lieu à la distinction entre le vendeur et l’acheteur.

À mesure que les hommes se sont familiarisés avec l’habitude de tout évaluer en argent, d’échanger tout leur superflu contre de l’argent et de n’échanger l’argent que contre les choses qui leur étaient