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l’accroissement annuel des capitaux se fait en argent ; mais tous les entrepreneurs n’en font d’autre usage que de le convertir sur-le-champ dans différentes natures d’effets sur lesquels roule leur entreprise : ainsi, cet argent rentre dans la circulation, et la plus grande partie des capitaux n’existent qu’en effets de différentes natures, comme nous l’avons déjà expliqué plus haut.


Observations sur les points dans lesquels Adam Smith est d’accord avec la théorie
de M. Turgot, et sur ceux dans lesquels il s’en est écarté,
par dupont de nemours.

On voit par cet ouvrage, qui sera éternellement classique, qui est antérieur de neuf ans à celui du célèbre Adam Smith, et publié cinq ans avant l’époque où il travaillait encore au sien, que-les deux auteurs sont complétement d’accord sur les principes de l’agriculture et du commerce ; sur les progrès de la société qui ont amené la division du travail, et les avantages qui sont résultés et qui résulteront encore de cette division ; sur les éléments du prix des productions et des marchandises, tant à leur fabrication qu’au marché ; sur l’introduction et l’utilité de la monnaie ; sur la formation des capitaux, leur distribution et leur emploi ; sur l’effet des promesses de payement données par des hommes solvables ; sur l’intérêt de l’argent ; sur la nécessité de laisser aux conventions et au commerce une entière liberté.

Ils ne diffèrent essentiellement qu’en ce que Smith étend la dénomination de productifs des richesses aux travaux qui n’en sont que simplement conservateurs, et qui contribuent à en opérer l’accumulation.

Mais l’accumulation ne devait pas être confondue avec la production par un esprit aussi juste que celui de Smith.

Il fait une distinction très-peu fondée, quant à la production des richesses, entre les travaux qui s’appliquent à des objets dont la jouissance est durable, et qu’il regarde comme étant seuls productifs, parce qu’ils stabilisent la valeur des consommations faites par l’ouvrier, et ceux dont les jouissances qu’ils procurent ne laissent que peu ou point de trace, ou que des traces passagères.

En admettant sa nomenclature et pressant son idée, on l’amènerait à conclure que le travail d’un compositeur de musique, dont on grave, dont on conserve, dont on vend les partitions, est productif ; et que celui d’un jardinier, dont on a mangé les fruits sur-le-champ, ou d’un laboureur dont on a consommé la récolte dans l’année, n’étaient pas productifs, ou l’étaient moins.

Il n’aurait pas été nécessaire de lui en dire davantage sur ce point.

Il ne l’est pas d’y rien ajouter pour les philosophes et les hommes d’État dignes de lire ses écrits, et qui savent les admirer autant qu’ils le méritent.

Après cette méprise, qui n’est que dans l’expression, et n’ôte rien à la beauté générale de la doctrine de Smith, puisqu’elle ne change rien à ses principes sur la liberté du commerce et du travail, on ne peut lui reprocher que la faiblesse ou la complaisance de s’être prêté, dans la seconde section du second chapitre de son cinquième livre, à pallier les vices du système de