Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/199

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De ce que les richesses d’une nation s’accroissent ou ne diminuent point, il ne faut donc pas inférer que son gouvernement soit sans défaut ; mais seulement qu’il n’est pas assez mauvais pour faire prendre à tous les travaux, ou aux plus productifs, ou aux plus utiles d’entre eux, une marche rétrograde.

Les lois de la nature et la bonté de la Providence luttent, ordinairement avec avantage, contre les folies et même contre les crimes des hommes ; elles en réparent les tristes effets. Que sera-ce quand les hommes deviendront assez éclairés pour ne contrarier jamais, ou que faiblement, les lois de la nature, pour jouir paisiblement et avec reconnaissance des bienfaits du ciel[1] !


fin du mémoire sur la formation et la distribution des richesses.
  1. Cette note de Dupont de Nemours contient une critique fort intéressante de l’opinion émise par Ad. Smith sur l’effet de l’impôt indirect sur les salaires. Turgot et Dupont de Nemours étaient partisans exclusifs de l’impôt direct. Ils croyaient avec raison que l’impôt de consommation est une entrave au développement de la richesse ; et Dupont explique parfaitement que cet impôt, pour être productif, doit porter, non pas sur les consommations de luxe, mais sur les objets de première nécessité, ou, ce qui est la même chose, de consommation générale. Nous croyons que cette antipathie est poussée trop loin. Il est certains produits qui sont essentiellement imposables, et de ce genre est assurément le tabac. — En suivant les avis émis par Dupont, on arriverait à ce résultat, le tabac pourrait être imposé tant qu’il serait peu goûté, mais quand le goût général en aurait fait un besoin il ne pourrait plus l’être.

    Ce qu’ajoute Dupont de Nemours, en parlant de l’obligation où se trouve l’entrepreneur d’augmenter le salaire de l’ouvrier quand l’impôt atteint ce dernier, prouve que cet écrivain n’avait pas une idée bien nette de la théorie du salaire ; ce n’est pas ainsi qu’il se règle. Le salaire dépend uniquement du capital destiné au travail. Il est plus élevé quand le nombre des ouvriers, comparé avec ce capital, est moindre ; il est plus bas dans le cas contraire. Si l’impôt enlève une partie de ce capital, le salaire doit nécessairement diminuer, et non augmenter.

    Cette conclusion, l’impôt renchérit le salaire, n’est donc nullement fondée, et il serait plus exact de dire que l’impôt de consommation, augmentant le prix des denrées, borne les consommations de l’ouvrier, et par cela même diminuant la production, met sur le marché un plus grand nombre de bras. — Or, ce n’est pas là une cause d’augmentation dans le salaire.

    Quant à la fin de la note, relative à l’emploi des capitaux et à l’accroissement des richesses, elle est sans reproche. (Hte D.)