Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/413

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essuyé des pertes sur les fonds qu’il avait laissés en Espagne, et l’état de ses affaires le détermina, en 1758, à quitter sa place d’intendant du commerce. Des personnes en place, qui sentaient combien il y était utile, lui proposèrent de demander pour lui des grâces de la cour qui le dédommageraient de ce qu’il pouvait avoir perdu. Il répondit « qu’il ne s’estimait pas assez pour croire que l’État dût acheter ses services ; qu’il avait toujours regardé de pareilles grâces comme d’une conséquence dangereuse, surtout dans les circonstances où l’État se trouvait, et qu’il ne voulait point qu’on eût à lui reprocher de se prêter, pour son intérêt, à des exceptions à ses principes. » Il ajoutait, « qu’il ne se croirait point dispensé par sa retraite de s’occuper d’objets utiles au bien du commerce. » Il demanda, dans cette vue, de conserver la séance au bureau du commerce, avec le titre d’honoraire, ce qui lui fut accordé.

Quelque temps auparavant, il avait aussi vendu sa charge de conseiller au grand conseil, et conservé le titre d’honoraire.

La retraite de M. de Gournay ne lui ôta rien de sa considération. Son zèle n’en était point ralenti ; ses lumières pouvaient toujours être également utiles. M. de Silhouette, qui avait pour M. de Gournay une estime qui fait l’éloge de l’un et de l’autre, ne fut pas plutôt contrôleur général, qu’il résolut d’arracher à la retraite un homme dont les talents et le zèle étaient si propres à seconder ses vues. Il commença par le faire inviter à se trouver à la conférence que les intendants du commerce ont toutes les semaines avec le contrôleur général, à laquelle M. de Gournay avait cessé d’assister. Il le destinait aussi à remplir une des places de commissaires du roi à la ferme générale. M. de Gournay, dans cette place, aurait été à portée d’apprécier exactement les plaintes réciproques du commerce et de la finance, et de chercher les moyens de concilier, autant qu’il est possible, ces deux intérêts de l’État ; mais il n’a pas pu profiter de ce témoignage de l’estime de M. de Silhouette. Lorsque la proposition lui en fut faite, il était déjà attaqué de la maladie dont il est mort.

Il y avait longtemps que sa santé s’altérait : ayant été passer le carnaval à Gournay, il en revint avec une douleur à la hanche, qu’il prit d’abord pour une sciatique. La douleur augmenta par degrés pendant quelque temps, et au bout de deux mois on découvrit une tumeur qui paraissait être la source du mal ; mais on tenta inu-