Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/414

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tilement de la résoudre par différents remèdes. La faiblesse et l’amaigrissement augmentaient. On avait proposé les eaux, il n’était pas en état de soutenir le voyage ; une fièvre lente le consumait. On voulut faire un dernier effort, et employer un résolutif que l’on regardait comme plus puissant ; mais on ne l’eut pas plutôt appliqué que M. de Gournay tomba dans une fièvre violente accompagnée de délire. Cet état dura trois jours ; au bout de ce temps, il recouvra sa connaissance, dont il profita pour faire son testament et recevoir les sacrements de l’église. Il mourut le soir même.

Il avait épousé en … Clotilde Verduc, avec laquelle il a vécu dans une grande union, et dont il n’a point laissé d’enfants.

M. de Gournay mériterait la reconnaissance de la nation, quand elle ne lui aurait d’autre obligation que d’avoir contribué plus que personne à tourner les esprits du côté des connaissances économiques. Cette gloire lui serait acquise quand ses principes pourraient encore souffrir quelque contradiction ; et la vérité aurait toujours gagné à la discussion des matières qu’il a donné occasion d’agiter. La postérité jugera entre lui et ses adversaires. Mais en attendant qu’elle ait jugé, on réclamera avec confiance pour sa mémoire l’honneur d’avoir le premier répandu en France les principes de Child et de Jean de Witt. Et, si ces principes deviennent un jour adoptés par notre administration dans le commerce, s’ils sont jamais pour la France, comme ils l’ont été pour la Hollande et l’Angleterre, une source d’abondance et de prospérité, nos descendants sauront que la reconnaissance en sera due à M. de Gournay.

La résistance que ces principes ont éprouvée a donné occasion à plusieurs personnes de représenter M. de Gournay comme un enthousiaste et un homme à système. Ce nom d’homme à système est devenu une espèce d’arme dans la bouche de toutes les personnes prévenues ou intéressées à maintenir quelques abus, et contre tous ceux qui proposent des changements dans quelque ordre que ce soit.

Les philosophes de ces derniers temps se sont élevés avec autant de force que de raison contre l’esprit de système. Ils entendaient par ce mot ces suppositions arbitraires par lesquelles on s’efforce d’expliquer tous les phénomènes, et qui effectivement les expliquent tous également, parce qu’ils n’en expliquent aucun ; cette négligence de l’observation, cette précipitation à se livrer à des analogies indirectes par lesquelles on se hasarde à convertir un fait particulier