Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

née ne forment pour ainsi dire qu’une foire continuelle, parce que le commerce y est toujours et partout également florissant. »

On dit : « L’État ne peut se passer de revenus ; il est indispensable, pour subvenir à ses besoins, de charger les marchandises de différentes taxes. Cependant, il n’est pas moins nécessaire de faciliter le débit de nos productions, surtout chez l’étranger, ce qui ne peut se faire sans en baisser le prix autant qu’il est possible. Or, on concilie ces deux objets en indiquant des lieux et des temps de franchise, où le bas prix des marchandises invite l’étranger et produit une consommation extraordinaire, tandis que la consommation habituelle et nécessaire fournit suffisamment aux revenus publics. L’envie même de profiter de ces moments de grâce donne aux vendeurs et aux acheteurs un empressement que la solennité de ces grandes foires augmente encore par une espèce de séduction, d’où résulte une augmentation dans la masse totale du commerce. » Tels sont les prétextes qu’on allègue pour soutenir l’utilité des grandes foires. Mais il n’est pas difficile de se convaincre qu’on peut, par des arrangements généraux, et en favorisant également tous les membres de l’État, concilier avec bien plus d’avantages les deux objets que le gouvernement peut se proposer. En effet, puisque le prince consent à perdre une partie de ses droits et à les sacrifier aux intérêts du commerce, rien n’empêche qu’en rendant tous les droits uniformes, il ne diminue sur la totalité la même somme qu’il consent à perdre ; l’objet de décharger des droits la vente à l’étranger, en ne les laissant subsister que sur les consommations intérieures, sera même bien plus aisé à remplir en exemptant de droits toutes les marchandises qui sortent ; car enfin on ne peut nier que nos foires ne fournissent à une grande partie de notre consommation. Dans cet arrangement, la consommation extraordinaire qui se fait dans le temps des foires diminuerait beaucoup ; mais il est évident que la modération des droits, dans les temps ordinaires, rendrait la consommation générale bien plus abondante ; avec cette différence que, dans le cas du droit uniforme, mais modéré, le commerce gagne tout ce que le prince veut lui sacrifier : au lieu que dans le cas du droit général plus fort, avec des exemptions locales et momentanées, le roi peut sacrifier beaucoup, et le commerce ne gagne presque rien, ou, ce qui est la même chose, les denrées ou les marchandises peuvent baisser de prix beaucoup moins que les droits ne diminuent.