Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/458

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le bien général et l’intérêt de la nation, en demandant quel système fera employer plus de bras en Angleterre, quel système fera porter chez l’étranger plus d’ouvrages de nos manufactures ? La réponse à cette question ne serait-elle pas toujours la décision du procès ?

XII. Une recrue d’étrangers sobres, économes, industrieux, ne créerait-elle pas de nouvelles sources d’emploi au dedans et d’exportation au dehors ?

Section V. — Examen des autres causes auxquelles on attribue le manque d’emploi des hommes.

I. S’il est possible dans la nature des choses que tous les négoces et tous les métiers soient à la fois surchargés d’hommes, et si[1] en supposant que pour ôter à toutes les professions ce prétendu superflu, on retranche de chacune un certain nombre d’hommes, en sorte que la même proportion subsiste entre elles, ceux qui resteront n’auront pas évidemment le même droit de se plaindre qu’ils pouvaient avoir auparavant ?

II. Si tandis que chaque marchand ou chaque fabricant, pour son intérêt particulier, trouve toujours que trop de gens se mêlent de son négoce, il y en a cependant un seul qui pense dans le fait[2] que le trop grand nombre d’hommes occupés à d’autres professions lui ôte des pratiques ?

III. Si une profession particulière ou une branche de commerce quelconque se trouvait quelquefois surchargée[3], le mal ne porte-

  1. S’il y a trop de 1,000 charpentiers pour fournir aux besoins de 400,000 habitants, il y en aura trop de 100 pour fournir au besoin de 10,000. Le nombre des habitants est donc ici indifférent. La surcharge n’est donc qu’une disproportion entre le nombre des hommes dans un métier, et celui des hommes qui exercent les autres métiers : une surcharge répartie proportionnellement sur toutes les professions laisserait donc subsister entre elles le même équilibre, et ne serait plus une surcharge. (Note de Turgot.)
  2. Un tailleur trouve qu’il y a trop de tailleurs ; mais le cordonnier qui en paye d’autant moins cher ses habits, trouve peut-être qu’il n’y en a pas assez, et réciproquement. Comptez les voix sur la prétendue surcharge de chaque profession en particulier, et vous trouverez d’un côté les seuls artisans de chaque profession, et de l’autre tout le corps entier de la société : la prétention de chaque profession a toujours contre elle la pluralité des voix. C’est ainsi que Cicéron prouve la supériorité du courage des Romains sur les autres nations, en opposant à la prétention de chacune l’accord de toutes les autres à lui préférer les Romains. (Note de Turgot.)
  3. Plusieurs métiers peuvent éprouver une sorte de fluctuation par les variations des habillements et les caprices de la mode ; et, par là, il sera très-souvent vrai