Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/465

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du lieu qu’elle occupe, toutes les terres qui l’environnent aujourd’hui ne baisseraient-elles pas de valeur ?

III. Si la peste enlevait cent mille hommes dans les provinces du nord ou de l’ouest de l’Angleterre, et qu’on ne pût y venir d’ailleurs, le revenu des terres ne tomberait-il pas sur-le-champ ?

Si, au contraire, cent mille étrangers de différentes professions allaient s’y fixer et augmenter la consommation des denrées produites par les terres voisines, ne verrait-on pas la valeur de ces terres croître à proportion ?

IV. Comment les fermiers payeront-ils le prix de leurs baux, s’ils ne trouvent point de marché pour vendre ? Et qu’est-ce qu’un marché, si ce n’est un certain nombre d’habitants rassemblés[1] ?

Section X. — L’amélioration des terres dépend de la multiplication du peuple.

I. Si les terres de la Grande-Bretagne sont autant en valeur qu’elles puissent l’être ? Et pourquoi un acre de terre voisin de quelque grande ville produit-il dix fois plus de grain qu’un acre de terre n’en rapporte ordinairement dans les provinces éloignées, quoique la qualité de la terre soit la même, et qu’il n’y ait de différence que dans la culture ?

Si c’est le fumier des villes qui cause cette fertilité, d’où vient ce fumier, d’où viennent toutes sortes d’engrais, n’est-ce pas de la multitude des habitants ?

II. N’y a-t-il pas des millions d’acres de terres possédés par des particuliers (sans compter nos communes, nos marais, nos bruyères et nos forêts) qui rapporteraient en denrées de toute espèce dix fois plus qu’ils ne font aujourd’hui, s’ils étaient bien cultivés, et si la demande encourageait la production ?

III. Quel motif peut porter un gentilhomme à cultiver et à améliorer ses terres, si le profit n’est pas au moins égal à la dépense qu’il y fait ? Et quel sera ce profit dans une province éloignée de la mer, si de nouveaux habitants ne viennent pas augmenter la consommation en même proportion que les denrées ?

IV. Est-ce avec raison qu’on se plaint aujourd’hui de ce que les paysans aiment mieux faire apprendre à leurs enfants des métiers faciles, que de les destiner aux travaux pénibles de l’agriculture ? L’exclusion des étrangers remédiera-t-elle à ce mal ?

  1. Il y a du bonheur dans cette expression.